HUY par Laurent MELART

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Couverture du livre de Laurent Melart "Histoire de la Ville et du Château de Huy et de ses Antiquités"-1641



Il y a presque 400 ans, et 600 ans après la Charte des Libertés de 1066, le bourgmestre Laurent MELART s'est plongé dans les archives disponibles à son époque et a décidé de décrire sa ville de HUY et ses "antiquités". Cette histoire, il nous l'a laissée sur plus de 550 pages, réunies en 9 livres, dans ce savoureux français du XVIe siècle.

                   Voici une transcription en français  moderne de quelques premières pages de son ouvrage "Histoire de la Ville et du Château de Huy et de ses Antiquités"/1641.

Note préliminaire: étant donné qu'il s'agit bien d'une transcription et non d'une traduction, nous avons cru bon de maintenir la ponctuation imposée par l'auteur dans ses phrases parfois un peu longues mais, aussi, de respecter scrupuleusement la façon de s'exprimer de l'époque. Mais en proposant entre des parenthèses certains mots plus de notre époque, nous avons voulu aider quelque peu la lecture. Nous nous sommes également permis de scinder le texte d'origine en quelques rubriques titrées à notre façon.

FONDATION

Casque de légionnaire romain. Photo FvD
Statue d'Ambiorix à Tongres, Limbourg. Photo FvD

C'est un fait onéreux de vouloir développer l'antiquité de l'obscurité et du mensonge, dont les ans , et les siècles l'ont voilé; j'aurai(s) besoin du support d'un Atlas pour le soutenir, et des yeux de Lynx pour en percer les nuits, néanmoins l'affection que je porte à ma terre natale, m'a mis la plume à la main, pour faire savoir, d'où la ville de Huy puise sa source.

Bien que ce ne soit besogne à la légère, que le temps de sa fondation ne soit droitement ( tout à fait) certain , que par le laps des ans elle soit obscurcie, que les monuments n'en étant entiers, on n'en peut parler avec probabilité, et certitude; je fais état d'en dire au plus près, que j'en ai pu recueillir, et reconnaître des Auteurs, qui en ont écrit, de la vérité, qui est l'oeil droit de l'histoire, et de ce qu'il semble qu'on en peut croire à l'apparence, et aux vestiges que l'on en voit.

Je trouve que Huy, située en la Belgie, au pays des Eburons, aujourd'hui de Liége, a été une cité ample, grande et bien peuplée. Plusieurs (plusieurs personnes) disputent et concertent de son origine. BEDE en son histoire d'Angleterre dit, qu'elle a été fondée soixante ans avant la nativité de notre seigneur JESUS-CHRIST par des Druides, Seigneurs et nobles Belges, qui s'y vinrent réfugier et dresser leur retraite en ce lieu après la déroute, et déconfiture qu'ils reçurent de Jule(s) César en la bataille qu'il donna contre les Nerviens, près de Tournay, et que pour se garantir, et éviter la poursuite de sa victoire, ils s'y retranchèrent, fortifièrent et en firent un lieu capable de bonne défense, de quoi toutefois ses commentaires ne font aucune mention.

Un manuscrit, bien qu'il s'accorde avec ledit BEDE, pour le temps de sa Fondation, raconte autrement, savoir que Jule(s) César ayant mis en route l'armée des Gaulois celtiques, près de Paris, un Seigneur nommé Andreloye, qu'en (un) autre endroit il appelle Gaufroy, suivi de quarante Cavaliers, lesquels lui donnèrent le nom de Huy, (d')à après le torrent de Hoyoul, qui y passe, se réfugièrent en ce lieu, et s'y retranchèrent, en sorte qu'elle devint bourg(-)ville, et de ville par après cité.

Au contraire, Lucius de Tongre(s) rapporte, qu'elle a été fondée par Cambron Roi des Huns, quinze ans avant la nativité (de) Notre-Seigneur JésusCHRIST savoir l'année que (où) la Vierge MARIE naquit, au temps d'Octavien vingt-troisième Roi de Tongres, mais ceux qui ont lu les histoires de ce temps-là, de devant (d'avant) et d'en après (d'après) content cela à une fable et vieille ruserie, parce qu'on ne vit pas venir les Huns en corps d'armée, que trois ou quatre cents ans après en la Belgie, laquelle notoirement était déjà subjuguée des Romains, qui l'avaient réduite en leur "dition" (territoire) et puissance; si que ce que rapporte ledit BEDE touchant cette fondation serait plus croyable, se conformant mieux aux temps, aux histoire, et aux personnes.

Néanmoins des vieux cartulaires qui sont en effet des traditions d'antiquité, la font venir des Sicambriens, Tantères et Isipètes, qui sont maintenant ceux du Lansgraviat (Landgraviat) de Hesse et des duchés de Juliers, Clèves et Gueldre, que conduisait Induciomar Seigneur de Trèves, duquel Ambiorix poursuivi de Jule(s) César, par les forêts d'Ardenne avait demandé assistance et secours , et disent que ceux-ci , étant venus se planter (s'implanter) avec trente-deux mille hommes au lieu où est maintenant située Huy, en auraient fait une place et arsenal d'armes, tant pour leur être commode à recevoir toutes sortes de vivres, et munitions de guerre, par eau et par charroi, que pour empêcher Quintus Tullius Cicéron, frère de l'orateur, de joindre ses troupes à celles de César, et qu'ils s'y retranchèrent en sorte, qu'ils en firent une bonne forteresse, la ceignant de fossés: mais qu'étant Ambiorix et Induciomar défaits et vaincus par César, et le lieu étant abandonné d'eux, les Condrusiens et Hesbignons, peuple voisin y vinrent habiter, le peuplèrent et en firent une colonie des leurs, telle que par succession de temps, elle s'est trouvée cité entière et toute faite, et qu'ils firent ce(cela) de la permission de César, que pour ce qu'ils n'avaient pas voulu se joindre à Ambiorix ni le secourir les avait en grâce, et se les voulait obliger par bienfaits. C'est ainsi que le bon Prince lie ceux qu'il veut avoir à son service, et qu'il enchaîne de ses faveurs les peuples, qui se recréent en la bénignité et distribution de ses grâces, comme la terre asséchée se délecte d'une douce pluie que le ciel lui infond (y insinue) et distille.

Cela n'est pas de médiocre moment à l'avancement de ses affaires, et ne profite pas peu à sa réputation et grandeur: car accroissant le nombre de ses sujets, et se les rendant affectionnés par la bonne police qui les tient en paix,, la diversité d'arts at manufactures s'introduisant dans son état, fait qu'il y a grand cours et trafic, de quoi les richesses y affluent ordinairement, et y arrivent à foison, dont en un besoin il trouve ses affaires bien dressées, pour en l'occasion de quelque juste et nécessaire guerre pour leur conservation avoir à la main des finances pour la faire et la maintenir par le secours de leurs bourses et moyens, que toujours ils lui ouvriront pourvu qu'il les gouverne par bonne justice et police, avec laquelle il gagnera et ouvrira aussi leurs coeurs.

Soit que la fondation de Huy dérive de la concession que César fit à ces Hesbignons, Condrusiens et "finitimes" (habitants de régions limitrophes, proches) d'y être incoles (manants) et habitants, soit qu'elle vienne des Druides, nobles Belges, y retirés après leur défaite, ou autrement -comme j'ai dit- c'est une ville de fort ancienne fondation aux marques et indices encore en paraissant, et au rapport des choses y advenues, qui lui ont produit beaucoup de secousses, branles, chutes et accidents.

DE TRISTES DEBUTS

Attila, roi des Huns, fléau de Dieu

La rivière de Meuse la divise en deux parties , celle que de ce temps-là la rivière était la plus grande, est aujourd'hui la plus petite et restreinte. Sa déchéance, ruine et décadence première est advenue l'an quatrième de l'empire de NERON, qui est la soixantième de la mort de notre Seigneur JESUS-CHRIST, par un tourbillon violent de feu, volant en grande abondance et étendue de pays, selon que rapporte Tacite au (tome) treizième de ses annales, lequel ni par la pluie, ni par les eaux , que l'on tirait de la Meuse, et des puits, en grande quantité, ni par tout autre moyen excogité(imaginé), on ne pouvait amortir, ni éteindre, cela l'accroissant et nourrissant plutôt, que le diminuant, jusqu'à ce qu'il fallut le battre et combattre, comme les Houillers font les feux Grégeois, dans les fosses, antres et cavernes, où se tire la houille, avec des pierres, gros cailloux, verges, bâtons, fléaux et autres instruments secs, comme ce fut à déchasser (déloger) des bêtes et "feres"(?) furieuses, et enragées, et enfin jeter dessus leurs accoutrements, et haillons, que tant plus étaient usés et desrompus (déchirés), en supprimaient l'avidité , et en brisaient la force, et violence, voici comme il en parle: Civitas in honum (Becano, Phigius, et plusieurs autres tiennent que pour inhonum, il faut lire Huionum, qui semble être notre Huium ou Hoium ne se remarquant en la Belgie autre ville, à laquelle ce mot puisse être mieux appliqué et ressemblant).

                                     S'ensuit une longue phrase en latin, que nous ne reproduiront pas ici, décrivant ce terrible incendie.


Sa seconde déchéance et défaite a été au temps de l'Empereur Valentinien troisième, et "s'origine" (vient) des Goths, Ostrogots et Huns, qui conduits par Attila, qui se disait le fléau de Dieu, et qui sortant de la Panonie et Dacie, avec Alamer, Roi desdits Ostrogots, et Ardaric, Roi des Gépides conduisait cinq cent mille combattants avec lesquels il pensait envahir et conquérir l'Empire d'Occident.

Et de fait ce barbare avec cette prodigieuse armée, ravageant et alarmant toutes les Gaules, et les contrées et pays où il passait, prit Trèves, Cologne, Metz et Tongres, villes fort célèbres, les détruisant et "désertant" (les vidant de leur population) selon que (comme) l'avait prédit saint Servais.: Dieu le permettant pour les péchés, dudit Valentinian et du peuple, et voulant en l'ordre et disposition de sa providence, que tout ce qui est ici bas, commence dès lors de sa naissance à périr , pour faire voir qu'il n'y a rien d'immortel et permanent, que son immortalité.

Cet Attila, comme un rapide et furieux torrent, rencontrant en son cours, et chemin la ville de Huy, qui depuis sa fondation avait (était) demeuré quatre cent septante-et-un ans sur pieds , sans notables , ni mémorables échecs, ou accidents sinistres, autre que celui du feu dont j'ai parlé, après avoir déchiré, chamaillé, et tué tout ce qui se présentait et (s') opposait à ses armes, et fait des maux infinis, et inexprimables, la prit et la brûla, au temps de Charles-le-Bel Roi de Tongres, quant à 'église de notre Dame, laquelle avait été fondée par saint Materne, celui qui avait été envoyé au temps de l'Empereur Trajan pour convertir les Eburons, Centronois, Garoccolles, Tongrois, Condrusiens et autres Belges à la foi chrétienne et de fait l'on lit dans des manuscrits, qu'il y convertit l'an cent dix-huit les Hutois.



LA COLLEGIALE ET LA CHARTE DES LIBERTES

Musée communal de Huy: dessin représentant l'ancienne collégiale N.D.
Copie en latin de la Charte des Libertés de Huy de 1066

L'Eglise n'était pas de telle structure et éminence; comme elle a été depuis, les Bourgeois la firent rebâtir, au temps d'Agricole, onzième Evêque de Tongres, qui fut successeur de saint Servais, et l'élevèrent de la hauteur qu'elle se voit aujourd'hui, l'étendant depuis le front du grand autel, lequel ils laissèrent entier et en même lieu, où l'avait assis saint Materne, sans y rien changer, et jusqu'aux degrés (marches) sous le crucifix, et ce l'an 512, et à cet effet -disent les manuscrits- ils vendirent la tierce part de leurs moyens: c'est en quoi on voit reluire la piété des Chrétiens de la primitive Eglise, qui bâtissaient des temples, ou contribuaient de leurs moyens à la réparation d'iceux, ou au contraire beaucoup du temps présent les démolissent et détruisent pour s'enrichir de leurs dépouilles , et en faire bouillir leur marmite.

Cette Eglise a (est) demeurée plusieurs siècles en même état, mais comme toutes choses sont sujettes aux secousses et mutations du temps, et qu'il n'y a rien de perpétuel, l'an 1012, le ciel dégorgea une telle tempête et orage, qu'elle en fut toute balafrée et gâtée, en laquelle même pendant que l'on chantait les Vêpres, ceux qui assistaient, tant Chanoines, Prêtres, que séculiers furent accablés, et écrasés, et tant était violente sa fureur, que des autres qui étaient par les rues furent renversés, atterrés, (en) partie estropiés, et (en) partie morts, et occis.

Théoduin de Bavière, institué Evêque de Liége par l'Empereur Henry IV, ne pouvant jeter ses yeux sans émotion de pitié sur ce désastre lamentable, la fit réparer et remettre en son premier et pristine(antique) état. Et Théoduin l'an 1066, fit parachever, ce que Baudry, Evêque dudit Liége avait commencé, y mettant la dernière main, ce (ceci étant) fait (il) la dédia à l'honneur de la Vierge Marie et de saint Domitien l'un des patrons tutélaires de ladite ville, et parer, la bénit, le jour saint Barthélemy, étant présent Liebert, Evêque de Cambrai, ajoutant le nombre de quinze Chanoines réguliers, alors sous un Abbé, qui officiaient, et que l'Empereur Charlemagne y avait mis au temps des Evêques Gerbald, et Walcand, bien que quelque autre auteur attribue l'adjonction desdits 15 à Boson Archidiacre et Abbé de ladite Eglise, mais un manuscrit veut au contraire que l'an 1075, Wazon Archidiacre d'Ardenne, y ait fondé et ajouté 6 chanonieries aux 15, qu'il y avait, et un Doyen en place d'un Abbé, c'est en ces diversités que je me perds, je laisse la liberté de chacun de croire là-dessus ce qu'il en voudra. Au reste ledit Théoduin se plaisait fort à l'air de cette ville, en laquelle il finit ses jours l'an 1075. inhumé devant le grand autel de ladite Eglise, sa tombe d'une pierre de marbre s'y est vue longtemps, à l'entour de laquelle il y avait 6 colonnes d'airain doré, et au-dessus une épitaphe de ces mots:

Capit, complevit, ditavit, et ipse donavit

Gemnis, argento, picturis, vestibus, auro

Hoc Theodunus opus

Aussi tous les Chanoines en mémoire et respect des biens reçus de lui, se sont obligés à célébrer son anniversaire.


LE COMTĖ DE HUY

Notger élu Prince-évêque de Liége et Comte de Huy en 985
L'Empereur Charlemagne, peinture à Aix-La-Chapelle

Cette ville distante de 5 lieues de Liége, et autant de Namur, a été selon le rapport d'aucuns, érigée en Comté par Clovis Roi de France l'an 509, lequel en créa premier Comte, un brave chevalier, nommé Auberon, en reconnaissance de ce qu'il avait défait les Mérovingiens, ce qu'ils ne sauraient me persuader , vu qu'en l'espace de 400 ans courus depuis ledit Clovis , et jusqu'à la donation faite par Anfrid du Comté de Huy à l'Eglise de Liége, on ne rapporte que 15 Comtes, néanmoins qu'il se trouve que plusieurs n'ont vécu ou régné que peu d'années. Dont je croirai plutôt ce que d'autres disent, qu'elle a été élevée en Comté par Charlemagne, qui environ l'an 770. tenait son siège tantôt à Herstal, où il avait son palais, tantôt à Jupille, où se plaisait le Roi Pépin, son père, tantôt à Aix-la-Chapelle ou à Nimègue, où il allait souvent faire ses Pâques, ou Noëls, et que Basin son écuyer tranchant en fut le premier Comte, lequel doit avoir érigé et bâti au château une tour, appelée après lui, tour Basin, comme de même on appelle ce grand rocher, qui est entre le château, et l'Eglise Notre-Dame, se levant comme un petit promontoire, la chaire Basin, Sedes Basin en Latin, du nom dudit premier Comte, lequel pour avoir commis félonie contre ledit Empereur, et être convaincu d'avoir tyrannisé et écorché ses sujets, en fut démis, mené prisonnier à Paris, et y mis à mort, comme je dirai ci-après plus amplement en traitant des Comtes de Huy.

Je m'appuie sur ce rapport d'autant plus, que je vois dans les histoires de ce temps-là, que ledit Charlemagne ayant dompté les Seynes, Saxons et Westphaliens, qui s'étaient révolté plusieurs fois de son obéissance, pour raison (afin) de les contenir mieux, institua et créa des Comtes en pays conquis et réduits la création non seulement, mais aussi en d'autres villes de son Empire, appelés en Latin des Comites, titre grand, signifiant, hommes de suite, ou hommes choisis, pour être du conseil, ou du service de l'Empereur, qui leur donnait des villes pour les obliger de se tenir fermes en son service, les uns l'étaient leur vie durant, les autres à quelque temps, et d' autres héréditaires, et je crois que ces Comtes de Huy étaient de cette espèce et catégorie, le fils succédant au père, et ainsi le plus proche au décédé, qu'il soit ainsi, il se lit dans les Romans en vieilles rimes, que Thiry sire de Ruellant, eut un fils nommé Robert, lequel en Dame Beautrix, fille Raimfroy d'Esprez, eut Ogier, qui a été Comte de Huy, et par ce qui s'ensuit, pour vérité de ce, j'en rapporte ci les mots:

     S'ensuit la citation d'un petit poème de 16 vers racontant ce que l'auteur vient d'écrire au sujet du Sire de Ruellant, de son fils Robert et son petit-fils Ogier.

Ce qui fait voir que le Comté de Huy était héréditaire et non pas comme d'autres, vital ou mobile à la volonté du Roi. Aussi Anfrid, ou Anfroy, qui a été le dernier Comte séculier, en faisant offrande à l'Eglise de saint Lambert, s'en montre propriétaire, et absolu, et qu'il n'était pas de la condition de ceux qui en tenaient l'usufruit, ou à certains temps, de fait Roi, ni Prince n'ont jamais querellé ni disputé la dévestiture, qu'il en a fait.


LE PONT ET LE HOYOUX

D'après un dessin de Jan De Beyer dans A.C.H.SC&B-A TOME XVI page 154: Le Pontia à Huy au 18e siècle
Plan des moulins et forges sur le Hoyoux du XVe au XVIIIe siècles

Les deux parties de cette ville assise sur le bord de la Meuse se lient et se rejoignent par un pont très solide, très somptueux, et fait de pierres de tailles , étayés de plusieurs gros et membrus piliers, qui se réduisent en arches, n'y ayant pas de plus beau, ni de plus éminent sur le cours de la Meuse. Il fut commencé l'an 1294, et y mit la première pierre Hugues de Chalons évêque de Liége, jetant sur les fondements un écu de Florence; mais l'an 1300,la Meuse débordée en décembre crut de telle façon, qu'emportant les poutres du vieux pont, et courant de grande "raideur" en abattit une des arches.

Au pied dudit pont la Meuse reçoit le Hoyoux, torrent fort rapide et furieux en son cours, à raison (à cause) de sa grande pente, avec un lit et néanmoins de peu d'eau, prenant son extraction et sa source dessus (au-dessus d') Havelange, d'où torrent fort venant lécher le Condroz, et le courir (parcourir) entre l'Orient et l'Occident, s'y engouffre, et s'enflant (à cause) des pluies, et des neiges au dégel de l'hiver, inonde un large pays de campagnes, prairies, et maisons, qui lui sont voisines, de telle sorte que quelques fois elle en emporte, comme j'ai vu il y a quelques ans avant que je misse (mette) la main à la plume, pour écrire cette histoire, où il y eut quelques personnes noyées, surprises dans leurs lits.

Même du temps de Jean d'Apes Evêque de Liége, (à) savoir l'an 1236, ledit Hoyoux et la Meuse conjoignant (cumulant) leurs débords (débordements), regorgèrent en si grande raideur, violence, et hauteur, en la ville, qu'ils y abattirent bien 300. maisons.

Depuis ce torrent s'est enflé par tempête survenue en été, quelquefois si grossement (grandement) qu'il a surnagé (submergé) tout le marché (la Grand'place), et s'y est élancé même jusqu'à la cime ou tête d'icelui (de celui-ci), et cela est arrivé l'an 1577.lorsque Madame Marguerite de Valois Reine de Navarre, venant de (d'être allée) prendre les eaux de Spa, était dans la ville, laquelle voyant ce déluge si soudain, croyait que l'on eut tiré (ouvert) tout exprès des écluses de certains étangs pour la perdre et noyer, (à la suite) de quoi elle en partit fort fâchée et mécontente.

Le jour de saint Laurent de l'an 1372. (il) y avait eu un semblable déluge, car ledit Hoyoux croissant soudainement, renversa plusieurs maisons et moulins (desquels la ville est fort bien servie, étant tous "plantés" (implantés) sur icelui (celui-ci)) même une petite tour auprès du pont de la Meuse, en l'endroit, où il y avait un autre pont, dit de saint-Nicolas, par dessous lequel il passait, qui l'an 1631 tomba entièrement de nuit, lequel le même an a été rebâti et redressé de neuf.

Et c'est dans ce torrent que la ville prend son nom, maintenant que d'aucuns le veulent tirer dudit Roi des Huns, distinguée aujourd'hui en grande ville et petite, cette dernière ainsi appelée, qui est du côté de la Hesbaye, et l'autre grande, qui est de celui du Condroz, ayant chacun juridiction particulière, et séparée.



LES VIGNOBLES ET LES FONTAINES

Les Vendanges-photo (C)RMN/Grand-Palais (MuCEM) Franck Raux
Fac-Simile du Bassinia primitif- ex ACHSC& B-A 1881-1882

Son contour (de la ville de Huy) est tout rempli de vignobles, qui constituent les principaux revenus des bourgeois, tellement, qu'il semble, que leur vie, fortune et félicité dépendent de leur abondance, rapport et fertilité, bien est vrai qu'elles sont aussi causes , qu'il n'y pas grand trafic, commerce ni "entrecours" (concurrence), comme il y a dans des villes de moindre et plus petit volume, néanmoins qu'elle soit située en un lieu fort commode, et où toute marchandise, peut facilement aborder, ayant le Condroz et l'Ardenne, qu'elle "envisage" au Ponant (Occident), la Hesbaye au Septentrion (Nord), et la rivière de Meuse, qui (,) la traversant (,) coule de Namur par son milieu et se glisse à Liége.

Et sont les Bourgeois si affectionnés et adonnés à leur culture et labourage qu'il n'y a nul (personne) tant soit peu aisé, qui n'en veuille avoir ou posséder. mais souvent s'y pensant (pensant s'y) faire riches, s'y perdent plutôt et s'y appauvrissent: car deux ou trois ans de stérilité, causée par la rigueur d'un dur hiver,, ou par un frimas, gelée ou froide bruine d'un printemps trop avancé brouteront (!) et rongeront (!) non seulement ce qu'un ou deux ans leur auront donné d' (en) abondance, mais aussi consommeront toutes leurs facultés et moyens en leur culture et entretenance (entretien), ou s'ils s'adonnaient au trafic (commerce), ou à la marchandise, qui d'ordinaire font les grandes richesses, il y aurait grand concours de monde , venant acheter ou vendre, ce qui rendrait la ville affluente en toutes sortes de biens, et les bourgeois et incoles (habitants ou manants) plus aisés qu'ils ne (le) sont.

Il y a deux belles fontaines, dont l'une accommode (garnit) le marché (la Grand'place), et une belle cuve, ou bassin de bronze y assis la reçoit de quatre boucherons (gargouilles), y étant plantée au-dessus l'effigie d'un homme, qui encorne l'abondance, et semble convier les Bourgeois d'en venir puiser, elle prend sa source d'auprès de sainte Catherine, qui est une paroisse dans les faubourgs et de là est menée, et conduite par des canaux de plomb sur ledit marché, où ladite cuve a été dressée, comme il se voit à la circonférence portante, l'an 1406. fut faite cette fontaine du temps de Henri le Pottier, et Pirlot delle Grevière Maîtres, etc..

L'autre fontaine est "sourdante" (sourde) d'un rocher fait en fond de cuve que l'on appelle la fontaine saint Domitien, son eau en sort, et rejaillit si claire, et si limpide, que l'on reconnaît parfaitement en son fond une épingle, une aiguille, et chose encore plus mince, et plus petite, j'assure qu'il soit bien de deux coudées et plus de profondeur, elle est assise entre deux bouches ou canaux dudit Hoyoux, beaucoup plus basse que son alvéole, ou lit, ne se troublant point, lorsqu'il la vient surinonder (lorsqu'il vient la recouvrir), en cela il semblerait qu'il y aurait quelque (chose de) surnaturel , si l'on ne savait point , que les sources des puits, et des fontaines repoussent les eaux des rivières les surnageant (qui les surmontent). Les manuscrits disent , que ce lieu, d'où elle s'origine (provient), étant infecté de la vénéneuse exhalaison et pestifère haleine d'un serpent, ou dragon, qui y croupissait, a été purgé dudit (par ledit) saint Domitien par le signe de la croix, qu'il imprima endit (audit) rocher de la crosse, ou bâton épiscopal, à raison de quoi (raison pour laquelle) elle est appelée la fontaine saint Domitien, où plusieurs (plusieurs personnes) ayant bu de cette eau, notoirement ont été guéris (guéries) des fièvres, ce qui s'est fait pour ses mérites, et par la foi qu'ils (elles) ont eu en ses assistances.




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