Quai des Récollets (Huy)
Histoire
C'est le voisinage du couvent des Récollets, actuellement propriété de Mme Ve Charles Preud'homme, qui a fait dénommer ainsi ce quai. Le couvent des Frères-Mineurs-Récollets fut construit en 1640. Saumery dit qu'il n'avait rien de remarquable, sauf sa charmante situation. « Le jardin, dit-il, est très agréable, fort étendu avec une allée de charmille des plus magnifiques, et au bout du côté de la rivière est une terrasse, où la vue trouve agréablement de quoi se satisfaire sur Peau et sur la colline qui est au Sud-Est, dont la variété des objets forme un aspect des plus charmants. » L'installation à Huy des frères Récollets souleva, de la part des Capucins, une opposition acharnée. Nous nous bornerons, d'après les Archives communales et un manuscrit reposant à la Bibliothèque Populaire, à résumer les principales péripéties de cette lutte curieuse. En 1632, Ernest de Miche, chanoine de l'église St-Paul à Liège, offrit aux frères Récollets, qui désiraient avoir à Huy une maison de passage pour y loger les membres de l'ordre, un bâtiment sis rue Codelet.
Mais les Capucins s'émurent de l'installation à Huy d'un nouvel ordre mendiant et s'y opposèrent avec énergie, en agissant sur le peuple et sur le Conseil; ils excitèrent également les autres couvents contre les nouveaux venus, en invoquant le préjudice que ceux-ci allaient leur causer. Cette opposition amena le Prince-Evêque à retirer l'autorisation qu'il avait d'abord donnée aux Récollets.
Les raisons alléguées contre ceux-ci peuvent se résumer ainsi : il y a à Huy assez de confesseurs, de prédicateurs et de maîtres d'écoles; le nouveau couvent nuirait aux autres; la création d'un hospice religieux pour les Récollets de passage n'est qu'un prétexte : bientôt cet hospice fera place à un couvent, comme cela a eu lieu pour d'autres monastères; la pauvreté de la ville est telle, qu'il est inutile qu'un nouvel ordre mendiant s'y installe. Naturellement, les Récollets ripostèrent. Dans une supplique adressée au Prince, ils rencontrent les arguments invoqués contre eux et parviennent à obtenir, en 1634, la faculté 'd'ériger un hospitium sur le plateau St Pierre. Mais leurs adversaires ne désarment pas. Ils s'adressent de nouveau au Conseil, puis au chapitre de la Collégiale; celui-ci constate que le nombre des ordres mendiants est excessif en cette ville et qu'il ne serait pas raisonnable de l'augmenter, alors que les habitants sont déjà fatigués des visites de religieux qui leur réclament de la nourriture; le corps des Métiers, consulté, estime également qu'il n'y a pas lieu d'admettre les Récollets. Malgré cela, le Prince maintient son autorisation (1635). L'année suivante, un nommé Colin le Mangon leur laisse ses biens, ce qui augmente leurs ressources; alors, comme on l'avait prévu, ils se mettent en mesure d'élever une habitation plus vaste que celle qu'ils occupaient; le Prince leur ordonna de se tenir dans les limites que comportait l'octroi d'un hospitium et leur fit défense de construire un couvent. Heureusement pour les Récollets, le baron Erard de Brion, mort en 1640, leur lègue la maison et le vignoble dit Charlet, à la condition d'affecter le produit de la réalisation de ses immeubles à l'érection d'un couvent; il leur laisse également 1500 patacons pour subvenir aux frais de construction du premier bâtiment.
L'année suivante, les Récollets demandent au Conseil d'être admis à Huy sur le même pied que les autres religieux et promettent, si leur requête est favorablement accueillie, de participer, par un don de cent patacons, aux frais de réparations du pont de Meuse détruit en partie par une inondation du Hoyaux. Le 8 mars, leur demande est agréée; enfin, en 1642, un compromis intervient entre les Capucins et les Récollets pour mettre fin, - provisoirement, - à leurs différends. Ces derniers s'engagent à se renfermer dans les limites de l'admission consentie par le Prince, à ne plus faire de collectes en ville, à s'abstenir de figurer aux processions et à ne pas donner à leur chapelle une plus grande importance qu'à celle d'un hospitium. Mais ce n'était qu'une trêve; la guerre n'était pas finie; elle se ralluma, plus vive que jamais, en 1646, les Récollets ayant, cette année, obtenu l'autorisation d'instituer chez eux une confrérie en l'honneur de Notre-Dame de Hal. Malgré tout l'intérêt que présentent, prises sur le vif, les manœuvres employées de part et d'autre, force nous est d'écourter, renvoyant le lecteur qui voudrait suivre, dans tous ses détails, cette lutte curieuse, au tome VI des Annales du Cercle Hutois des Sciences et Beaux-Arts. Parvenant à leurs fins, grâce à une persévérance infatigable, les Récollets obtinrent enfin, en 1647, malgré les intrigues des autres couvents, l'autorisation d'ériger un monastère. Le 2 mai 1648, la première pierre de l'église fut posée par le père Des Moulins, l'auteur du manuscrit qui nous a transmis l'histoire de ce couvent; l'édifice fut consacré l'année suivante; la communauté, qui s'était notablement accrue, se composait de dix-huit prêtres et de cinq frères. En 1659, nouvelles hostilités : les Capucins, qui décidément ont la rancune tenace, obtiennent un décret de Maximilien Henri, enjoignant aux Récollets de ne pas s'écarter des conditions mises à leur admission. Ceux-ci ripostent en disant que tout ce que les Capucins débitent sur leur compte est pure calomnie et ils réclament une enquête sur leurs faits et gestes. Le Prince leur reconnaît, peu après, le droit d'exercer librement dans leur église, mais réduit leur nombre à douze et leur défend de collecter dans la ville et les faubourgs.
De nouvelles tracasseries les attendaient encore; pendant plusieurs années, ils ne purent vivre en paix, continuellement en butte aux machinations de leurs ennemis; enfin, la lutte se termina en 1668, l'opinion publique se prononçant contre les Capucins, qui cessèrent alors leurs menées. Les Récollets disparurent, comme les autres religieux, à la Révolution; leur propriété fut acquise, pour 50.000 livres, par le citoyen Gillet, fondé de procuration du citoyen Pommier.
Au XVIIIe siècle, le quai des Récollets était, d'après Saumery, une des plus belles promenades de la ville. D'environ mille pas de longueur, construit en pierre de taille, il était très fréquenté pour la pureté de l'air qu'on y respirait, et pour les admirables perspectives dont les yeux et l'esprit étaient agréablement récréés. La vue dont on y jouit est, en effet, très variée et très pittoresque d'un côté, la montagne de Corphalie, celle de sarte au midi, l'Ile, le Fort, la Collégiale et le Pont avec le mont Picard comme fond de tableau, forment un ensemble que la photographie, la gravure et la peinture ont maintes fois reproduit.
Vers le milieu du quai des Récollets existait un petit château avec tourelle, appelé autrefois la Turquie (actuellement propriété de M. Armand Wilmotte). Quand fut élevée la maison de ce dernier, on découvrit, en creusant les fondations, un grand nombre de sépultures paraissant dater du XVII siècle et renfermant, vraisemblablement, les restes de pestiférés.[1]
Gallerie
Références
- ↑ Les rues de Huy en cartes postales anciennes par André Chapelle sur les traces de René Dubois et Jean Gougnard, 1993