Venu(e)s d’ailleurs, où sont passées nos compétences ?
Sommaire
Contexte
Dans le cadre de l'exposition "Un visage, une histoire", qui retrace le parcours d'intégration socio-professionnel de femmes et d’hommes issus de l'immigration et que l’http://www.dora-dores.be accompagne au quotidien, cette association a organisé un débat sur la thématique "Venu(e)s d'ailleurs, où sont passées nos compétences ?" L'exposition propose des photographies, vidéos et autres outils de sensibilisation qui aident le visiteur à regarder au-delà des différences. Elle est accessible jusqu'au 6 janvier2017 à l'Hotel de Ville de Huy, du lundi au vendredi de 8h à 12h30 et de 14h à 16h.
L'objectif des organisateurs étaient d'échanger sur l'apport des migrants, afin de combattre les préjugés et de dépasser les obstacles au partage des compétences. Lors de précédentes rencontres ou études, des préjugés furent pointés du doigt dont le plus fréquent est : "Les étrangers sont des profiteurs".
Pour démentir cette perception, il convient d'expliquer que les migrants apportent des ressources, possèdent une expérience, ont exercé un métier, comme celui d'ingénieurs par exemple. Et dans de nombreux cas, sans devoir nécessairement attendre une maîtrise totale de la langue, ils pourraient utiliser leur savoir, leur savoir faire et leur savoir être pour contribuer à l'amélioration du vivre ensemble là où ils arrivent…
Pourquoi ne pas leur proposer des stages afin de faire la preuve de leurs aptitudes à exercer un métier, avant même de voir aboutir leur demande d'équivalence des diplômes ? Pour prouver leur formation, il faut aller chercher les preuves de leur formation ou de leur expérience dans pays en guerre, ce qui rend bien entendu périlleux et même parfois impossible de les réunir.
La Belgique pourrait s'inspirer de la Suisse ou de l'Allemagne, qui accueillent les migrants en tenant compte de leur expérience, plus facile à prouver sans attendre de preuves administratives.
Même le permis de conduire est difficile à repasser dans le nouveau pays, car le code peut être différent.
La plupart d'entre eux ont reçu une formation initiale, professionnelle et citoyenne, qu'ils ne demandent qu'à partager !
Rencontre de témoins issus de la migration
Plusieurs témoins confièrent aux participants leurs parcours qui leur a permis d'aller à la rencontre de la population de la région, avec la volonté de partager leurs ressources, leurs compétences, au service de la collectivité.
L'assemblée répartie par petits groupes eut le plaisir d'entendre les témoignages d'Hamide Canolli, Comptable de formation, venant du Kosovo, de Mohamed Souleyman, Syrien, Professeur de français puis inspecteur de pédagogie dans son pays d'origine, de Paola Gillen, Bolivienne, qui était Administratrice d'institution sociale et culturelle, de Viviana Montolevo, Bolivienne qui transita par l'Espagne avant d'arriver à Huy, et qui était Animatrice en Maison de Jeunes. D'autres personnes apportèrent également leur témoignage.
Apports des débats en sous-groupes
Premier groupe, avec Paola comme témoin
"La fragilité de départ (constituée par l'arrivée dans un pays inconnu) entraîne une peur qui souvent isole. Si cette peur est normale, elle ne doit pas nous empêcher d'aller chercher les informations nécessaires à notre intégration" Mais où aller ? Si Dora Dorës se pose comme pièce centrale sur l'échiquier du réseau social hutois, force est de constater que les informations restent encore difficile à trouver. Cependant, le caractère et la volonté peuvent jouer le rôle de boost et ainsi mettre en route cette quête de renseignements. L'essentiel étant que nous, partenaires, services sociaux, services publics, ne devons pas passer à côté du travail à effectuer sur l'"estime de soi". Il est important de reconnaître en l'autre ses compétences qu'il peut mettre à la disposition de notre/la communauté. Indispensable aussi de recréer du lien social, par exemple en participants à des groupes de paroles organisés par Dora Dorës.
Vient aussi la problématique de la reconnaissance/équivalence des diplômes. Obtenir la bonne information n'est pas compliqué mais le chemin à parcourir pour obtenir cette reconnaissance/équivalence est très difficile. (on parle de validation des compétences et/ou de valorisation des acquis).
Enfin, le groupe a repris l'exemple de certains pays scandinaves qui en matière d'intégration, visent plutôt les compétences des personnes que leurs formations, souhaitant avant tout que ces personnes trouvent rapidement un emploi et montrent rapidement leur volonté de s'intégrer en exerçant un métier valorisant et valorisé, sans devoir se limiter aux tâches ne nécessitant que très peu de formation ou d'expérience.
Le travail d'identification des organismes de valorisation des compétences ou de soutien à l'accueil a été effectué ; encore faut-il communiquer l'information efficacement.
Deuxième groupe, avec Soleyman
Souleyman n'en est pas à son premier témoignage. Il a déjà à plusieurs reprises raconté son histoire et son parcours du bord de l'Euphrate aux bords de la Meuse.
Réfugié de guerre, il a été confronté aux passeurs profiteurs, organisant le transports de migrants dans des conditions abominables. Pour quitter son pays et affronter ces épreuves, il faut une force de caractère solide. Le prix exorbitant du voyage le réserve aux seuls instruits possédant des ressources suffisantes pour s'offrir le voyage.
Arrivé à destination, le migrant commence alors le parcours d'intégration, qui est le lot de tout demandeur d'asile. La rencontre avec les propriétaires de logements est pénible aussi. Certains sont même odieux. Et puis lorsqu'on a trouvé un abri, commence alors une vie de solitude, rongé d'inquiétude pour la famille restée au pays, dont la situation ne peut qu'être précaire. On ressent de l'angoisse, mais on se constitue petit à petit un réseau social, malgré un certain découragement devant la complexité du regroupement familial, surtout pour les enfants majeurs.
L'importance de la maîtrise de la langue est soulignée, même si Souleyman a la chance d'être professeur de français dans son pays d'origine. Le groupe met en exergue l'exemplarité de l'action de Dora Dorës, qui propose des formations et un accompagnement aux migrants. Chacun bénéficie d'une forme de compétence, qu'il ait un diplôme ou pas. Le passage par la filière de valorisation est ardu. Ei s'il n'aboutit pas à une reconnaissance, c'est une souffrance supplémentaire devant ce qu'on ressent comme une injustice.
Le racisme se rencontre, mais moins que dans les grandes villes, car on se connaît plus facilement. Il est cependant toujours ressenti comme une humiliation.
Malgré l'accueil plutôt positif à Huy, on n'en reste pas moins une victime, en bute à de nombreuses désillusions, aggravées par la déception de l'évolution négative de la situation du pays d'origine.
Troisième groupe avec Viviana
Viviana est sociologue de formation. Depuis longtemps elle rêvait de découvrir Paris, Londres et Madrid. Elle rencontra celui qui allait être son mari, eut trois enfants qu'elle éleva, puis vint le souhait de faire reconnaître l'équivalence de son diplôme. Comme elle connaissait déjà un peu le français, elle dû faire face à une attente de dix-huit mois avant de participer à un cours de français de niveau supérieur.
Elle émit rapidement le souhait d'aider les autres, elle qui était venue par amour. Mais son existence fut difficile quand même, loin de sa famille, confrontée au seul réseau social de son mari.
À Dora Dorës, elle eut l'occasion de travailler sur la confiance en soi et sur une première reconnaissance sociale de ses compétences. Sa situation évolua alors positivement. Elle se constitua son propre réseau social, et apprit à connaître quelques associations spécialisées. Elle mit l'accent sur la situation des femmes migrantes, plus précaire encore que celle des hommes. Si l'on veut leur permettre ce travail d'intégration, la possibilité de garder leurs enfants est indispensable.
En conclusion, le groupe rappelle qu'on a tous à apprendre les uns les autres, ne serait-ce que de réapprendre à se dire bonjour dans la rue…
Quatrième groupe avec Hamide
Le groupe mit en évidence la richesse de se rencontrer dans la diversité des cultures, qui se marqua au sein même du groupe, composé de personnes originaires du Yémen, du Mexique, du Maroc et du Kosovo.
Certains on fuit la guerre, d'autres on cherché des conditions de vie plus confortables.
D'où que l'on vienne, il faut ensuite trouver sa place, faire valoir ses compétences , exercer ses talents.
Tous sont confrontés à la difficulté du langage et à la rareté du lien social, qui sont liées.
Les difficultés financières font que l'on doit bien rebondir sur des métiers plus faciles d'accès que ceux que l'on exerçait dans son pays d'origine. L'un a suivi une formation de cariste après avoir été juriste. Pour ce type de métier, la langue constitue un moindre frein.
Ils ont en tout cas envie de rester ici, et nous souhaitons les soutenir
Le sentiment d'isolement social est différent pour chacun. Comment aller vers les populations du pays d'accueil ? Par des activités sportives d'abord, où le langage commun est moins nécessaire ?
Débat final
L'assistance regrette l'absence des élus (une conseillère communale est restée cependant toute la soirée) dans cette salle de l'Hôtel de Ville de Huy… Certains pointent le peu de participation des associations ou services en rapport avec les migrants.
Le Cripel est cependant officiellement représenté. Il distribue notamment des informations concernant l'équivalence des diplômes. Il semble que cela bouge à ce niveau. La consultation y est gratuite pour les réfugiés. Il seraient souhaitable que la gratuité soit également accordée aux migrants non réfugiés.
Une orientation est également proposée par le plan de cohésion sociale, qui définit une politique d'intégration plus axée sur l'accueil. Mais c'est l'ensemble des structures d'accueil des migrants qui doivent recevoir les moyens nécessaires à leurs missions.
Faire sa place dans un nouveau pays est un travail de longue haleine, car il faut passer par les administrations communales, du Forem, des CPAS, qui peuvent évoquer des mastodontes pour les migrants.
Certains services sont d'ailleurs aujourd'hui remis en question.
Le combat des associations pour la conscientisation des services publics est plus que jamais nécessaire. L'action citoyenne doit aussi réveiller les élus et leur prouver toute l'importance que requiert la situation des migrants.
Avant même le parcours d'accueil, dès que le migrant arrive, il doit savoir ce qu'il doit faire, connaître "les premiers gestes" : qui rencontrer ? L'idéal serait de désigner une personne référente susceptible de l'accompagner dans ses démarches. Sur notre territoire, le Service prévention et le Plan de Cohésion Sociale apportent une aide, mais les moyens sont insuffisants pour tous les services et les associations actives. La réalité économique implique que moins de travailleurs sont disponibles pour cette mission.
Un accueil de qualité nécessiterait qu'on prenne le temps de se consacrer aux migrants, sans négliger les aspects humains du métier.
Les travailleurs ne se sentent pas non plus valorisés dans leur travail. Ils ne reçoivent pas d'encouragements, même si une meilleure dynamique semble vouloir s'installer. On ressent peu de motivation interne. Pourtant, l'importance de l'accueil est évidente.
La Croix rouge en est consciente, qui organise des cours de français et prépare les migrants à la rencontre des populations. Cependant, le manque de moyens est criant.
On manque d'informations sur les ressources disponibles pour les migrants. Mais puisque chaque demande doit passer par le service population, pourquoi ne pas faire distribuer systématiquement par l'employé une feuille d'information sur les contacts et contenant des conseils sur les démarches à effectuer par les nouveaux arrivants ? La prise en charge est difficile car il manque de moyens humains : un ou deux employés formés à cette matière doivent répondre à l'ensemble des demandes, ce qui leur laisse peu de temps à consacrer à chacun.
La collaboration entre intervenants est indispensable. À Huy, on oriente les migrants vers le CRIPEL, qui propose des rendez-vous à Dora Dorës. Cette association a rédigé un guide
Les filières de compétences relèvent de la Fédération Wallonie Bruxelles.
Le débat se clôture sur les réactions racistes ou de rejet qui se manifestent au sein de la population et qui nécessitent un travail de longue haleine d'information et de sensibilisation sur les avantages de l'interculturalité.
Notons enfin la création de Volonterre d'asile, le réseau wallon du volontariat des demandeurs d'asile et de toute personne étrangère séjournant légalement sur le territoire. L'exercice du volontariat leur est permis en Belgique depuis 2014. Si l’afflux des réfugiés en 2015 a suscité beaucoup d’engagements citoyens, peu de demandeurs d’asile ont eu l’occasion de s’y essayer jusqu’à présent. La Plateforme Francophone du Volontariat convie les associations de l’action sociale à une recherche-action sur le sujet. Une première rencontre a eu lieu le 21 décembre 2016 à NAMUR. Informations : info@levolontariat.be