Nouvelle orthographe

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Au Petit-déjeuner du 7 mars au Centre Culturel de l'Arrondissement de Huy

Dans le cadre des « Petits-déjeuners du 7 » organisés chaque 7 du mois par le Centre culturel de l'Arrondissement de Huy, nous avons abordé à la rencontre de mars la thématique de la « Nouvelle orthographe ». En effet dans nombre d'associations nous avons à un moment ou l'autre été confrontés à la question de savoir quelle règle appliquer à nos publications, ainsi qu'à celle de l'attitude à adopter vis-à-vis des écrits de différents auteurs réunis dans une même édition, qu'il s'agisse d'un livre, ou d'une brochure, ou encore de sites, blogs et autres pages Wiki que nous réalisons à l'occasion de nos activités.

Il est intéressant aussi, en tant que parent, enseignant, élève ou étudiant, de connaître la position de l'administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière d'enseignement et de formation. Quel discours tient-on, quel cadre propose-t-on officiellement dans cette apprentissage de la langue française au sein des écoles, universités et organismes de formation divers ?

Programme de la matinée

La séance fut introduite par notre personne ressource du jour : Élisabeth Thise, Animatrice au Centre culturel, responsable des projets autour du livre, de la lecture et de l'écriture au sein de l'institution, comme par exemple La Langue française en fête, dont la séance du jour constituait une sorte de prémisse.

Élisabeth nous présenta les 8 règles générales de la « Nouvelle » orthographe (qui date quand même de 1990, mais on est encore bien jeune à vingt-quatre ans !). De manière très synthétique, elles traitent de l'accentuation du « e » dans certaines syllabes ou verbes, de l'accent circonflexe, du pluriel des noms composés et des noms empruntés à d'autres langues, des numéraux (unis par un trait d'union), du participe passé « laissé », et de la finale « -olle » remplacée par « -ole ». En conséquence, huit-cents mots parmi les plus fréquents ont été rectifiés (voir la liste dans le lien ci-dessus « 8 règles générales »). Elle nous proposa ensuite une vidéo sur le thème. (Elle sera insérée sur cette page la semaine prochaine.)

Les participant(e)s du jour étaient issus de milieux divers : une relectrice d'écrits associatifs (ancienne régente en français), une chargée de communication, une amoureuse de la langue française, une future régente en français en dernière année d'études, une secrétaire de Centre culturel, et des membres d'associations confrontés à l'écriture dans leur mission.

Panel riche, débat animé et fructueux, qui a débouché sur une prise de conscience de l'intérêt manifeste de promouvoir cette nouvelle approche, mais aussi des embûches nombreuses tendues par les nombreux (et parfois virulents) adversaires, fidèles en cela au sempiternel principe humain de la confrontation entre réformistes et conservateurs. Tout changement se heurte à la fronde de ceux et celles qui souhaitent maintenir le statu quo, que cela soit par rapport à la langue française ou dans bien d'autres domaines…

Teneur du débat

Les enjeux qui sont apparus au cours de la discussion sont nombreux : on touche au pouvoir des détenteurs de la « vérité », de ceux qui s'attribuent le droit de décider de ce qui est juste ou faux, de ceux qui se réjouissent de souligner (en rouge de préférence, comme à l'école) les erreurs des autres qui maîtrisent moins les règles d'orthographe ; certains sentent leur niveau d'expertise, leur renommée égratignées, alors qu'ils sont arrivés — dans la douleur parfois — à maîtriser (avec accent circonflexe selon eux) le cadre de référence ultime qui différencierait ceux qui savent de ceux qui restent dans l'ignorance, ceux qui compteraient de ceux qui compteraient donc moins dans notre société. Plus simplement, certains métiers comme ceux de correcteurs, de relecteurs dans le monde de l'édition, de la presse, ou même de responsables de publications dans les associations ou dans les entreprises, sans être remis en question, seraient soumis à des changements et donc à une adaptation parfois ardue.

C'est aussi une question de génération sans doute, les plus jeunes étant mieux disposés face à l'évolution du langage que les ainés, en règle — très — générale (ce ne sont pas toujours les plus âgés qui sont les plus conservateurs !).

Le positionnement tient aussi à une part d'irrationnel : certains regretteraient d'écrire « ognons », ou de renoncer à « clef » qui dessinent si bien à leurs yeux l'objet dans son écriture, ou d'autres qui à la longue se sont conditionnés à écrire un mot de telle façon, et devraient fournir un réel effort pour changer leur habitude…

On peut aussi, en adoptant de nouvelles règles, craindre d'être jugé par ceux qui ne les ont pas adoptées. La notion de « faute » est bien ancrée dans notre imaginaire, depuis l'école, ou dans cette forme de compétition qui consiste à se sentir valorisé dans le fait d'écrire « correctement », comme dans les curriculum vitae par exemple, où l'orthographe reste une donnée loin d'être négligeable pour améliorer ses chances d'obtenir un emploi.

Il ne faudrait pas non plus renverser la vapeur et imposer un cadre trop stricte visant à imposer la nouvelle orthographe et considérer ceux qui ne l'adoptent pas comme des ignares ou des citoyens peu instruits ! Cependant, une cohérence est nécessaire dans le cadre que l'on se choisit, à titre personnel ou au sein d'une même institution… À moins que les textes soient écrits par des personnes différentes, et signés par celles-ci. Reste la question de l'homogénéité de l'image de l'institution, qui mérite en tout cas un débat en son sein pour se construire une politique rédactionnelle, dans la tolérance et le respect de chacun. Pourquoi ne pas mentionner en bas de page ou en fin de publication une note du genre : « Cette publication intègre les propositions de rectifications orthographiques du Conseil supérieur de la langue française » ou placer le logo indiquant l'usage de la nouvelle graphie ? Cela aurait le mérite d'être clair sur l'attitude des auteurs, et de constituer un geste positif vis-à-vis des recommandations de l'Académie française. Après tout, comme le disait une participante, les Centres culturels ou les associations d'Éducation permanente ne sont-ils pas des lieux qui doivent être à la pointe de l'innovation, au fait de l'évolution de la société ?

Qu'en est-il de la formation des enseignants ?

Sur le site de la Fédération Wallonie-Bruxelles, on apprend ceci : « En 1998, Laurette Onkelinx et William Ancion, alors ministres de l’enseignement obligatoire et de l’enseignement supérieur en Communauté française, ont recommandé l’application de la nouvelle orthographe par le biais de circulaires ministérielles diffusées dans les écoles. Ces circulaires précisaient que les deux orthographes devaient être admises. Si les circulaires de 1998 avaient le mérite d’imposer clairement la coexistence des deux orthographes, elles n’imposaient pas aux enseignants d’enseigner de manière préférentielle la « nouvelle orthographe ». La situation restait donc ambigüe pour le grand public et source d’insécurité pour les élèves comme pour les enseignants. »

« Cependant, une nouvelle étape a été franchie lors de la rentrée scolaire 2008, lorsque les Ministres Fadila Laanan (Culture et Audiovisuel), Christian Dupont (Enseignement obligatoire), Marc Tarabella (Enseignement de promotion sociale) et Marie-Dominique Simonet (Enseignement supérieur), ont invité par le biais de circulaires ministérielles les enseignants de tous niveaux à enseigner prioritairement la nouvelle orthographe. Afin d’aider les enseignants à franchir cette nouvelle étape, le Conseil de la langue a élaboré et diffusé dans les écoles un dépliant reprenant sept règles générales de la réforme apparaissant comme les plus consensuelles. »

Et pourtant, l'étudiante en régendat français-morale présente témoigne que si elle a bien reçu une information sur la nouvelle orthographe, aucune injonction n'a été transmise pour privilégier dans son futur métier la réforme dont il est question. Cela nous confronte au rôle de la formation de formateurs à ce niveau, et à cette incohérence entre ce que suggèrent les directives et leur traduction dans les programmes de cours des écoles normales ou des universités. Sans jugement péremptoire ni généralisation, ne sommes-nous pas ici face à une autre forme de résistance de certains enseignants — détenteurs du savoir, de la maitrise de la langue, et donc du pouvoir lié à ce privilège ?

Conclusion (provisoire)

Finalement, qu'est-ce qui détermine la langue ? L'usage ou la règle ? N'aurait-il pas fallu imposer le changement plutôt que d'entrainer un certain flou dans le degré d'application des recommandations orthographiques ? Mais alors la réaction n'eût-elle pas été plus franche encore ?

La référence des dictionnaires semble être pour beaucoup la référence ultime en matière d'orthographe. Or ceux-ci opposent aussi une résistance indéniable à l'évolution. « Il a fallu attendre près de dix ans avant de voir une adaptation des dictionnaires à ces recommandations » dit une participante, qui n'a plus acheté de nouveau dictionnaire avant de percevoir ce changement !

Les correcteurs orthographiques des traitements de textes ou des tablettes et terminaux de poche (terme recommandé officiellement pour remplacer smartphone !) influencent aussi la pratique. Et que dire des nouveaux langages de la génération Twitter ou SMS ? Ils sont construits autant pour correspondre aux standards des textes courts que pour constituer un langage propre à une génération, à une communauté, comme signe d'appartenance ou communication hermétique comprise d'eux seuls. Cela ne s'éloigne pas tellement finalement du jargon employé par certains technocrates, incompréhensible pour les profanes.

Nous sommes enfin confrontés aujourd'hui à des enjeux politiques, comme celui de la féminisation des noms de métiers, où les Québécois jouissent d'une avance indéniable, alors que leur français est fortement influencé par les anglicismes dus à la proximité des USA. Enjeux économiques aussi, les correcteurs orthographiques devant se complexifier pour accepter les formulations diverses, les dictionnaires devant eux s'épaissir pour intégrer les orthographes multiples. Tout cela coûte de l'argent ! Et leur utilité se réduit aussi, par la simplification orthographique…

Mais ce qui compte dans toute forme de langage, n'est-ce pas finalement que l'émetteur puisse transmettre toute la dimension de sa pensée, dans toute sa subtilité, et que son ou ses interlocuteurs la reçoivent et la comprennent dans toutes ses nuances ? Il s'agit dès lors d'adapter sa communication à sa propre personnalité, en tenant compte de celle de l'autre, à qui il destine son message. D'où l'importance de bien connaitre son public lorsque l'on construit sa communication, au sein de son association, de son entreprise, dans le cadre de la fonction que l'on occupe.

Et ensuite ?

Le débat reste ouvert ! N'hésitez pas à communiquer — dans les formes de la nouvelle orthographe ou non — sur la page Discussion. Cet article sera également bientôt complété par les ressources évoquées lors de notre rencontre. Parmi celles-ci :

  • André Goosse, La Nouvelle Orthographe, chez Duculot, 1991, donne l'explication de la réforme, cite les arguments les plus couramment avancés en pour et contre, indique toutes les règles nouvelles ; l'ouvrage fait preuve d'humour et se lit avec plaisir.

Liens externes


--RV (CCAH) Admin WikiHuy (discussion) 24 mars 2014 à 14:21 (CET)