Libération de Huy (1940-1945) : Différence entre versions

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L'après-midi, je me trouve rue du Palis de Justice, chez tante JULIA (NDLR. Madame Urbain LAMALLE, sœur de mon père).
 
L'après-midi, je me trouve rue du Palis de Justice, chez tante JULIA (NDLR. Madame Urbain LAMALLE, sœur de mon père).
  
Nous sommes en train de goûter. Des avions traversent le ciel, à basse altitude. Subitement, des détonations proches éclatent, suivie de mitraillades et de coups de feu. Nous gagnons la cave. La pétarade s'intensifie. Se rapproche. Que penser ? Quel va être notre sort ? Tante Julia est convaincue que ce sont nos libérateurs. Oncle Urbain, André et moi doutons encore. Ne serait-ce pars l'Armée blanche qui investit la ville. Des allemands, traqués, ne vont-ils pas surgir dans la maison ?
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Nous sommes en train de goûter. Des avions traversent le ciel, à basse altitude. Subitement, des détonations proches éclatent, suivie de mitraillades et de coups de feu. Nous gagnons la cave. La pétarade s'intensifie. Se rapproche. Que penser ? Quel va être notre sort ? Tante Julia est convaincue que ce sont nos libérateurs. Oncle Urbain, André et moi doutons encore. Ne serait-ce pas l'Armée blanche qui investit la ville ? Des allemands, traqués, ne vont-ils pas surgir dans la maison ?
  
 
Le vacarme reprend de plus belle puis, subitement, c'est le silence...Un court moment d'angoisse et toutes les cloches des églises de la ville se mettent à sonner. Les sirènes annoncent, longuement, la fin d'alerte. Nous hésitons encore... Tante Julia nous persuade que nous sommes libérés. Ca a duré dix minutes.
 
Le vacarme reprend de plus belle puis, subitement, c'est le silence...Un court moment d'angoisse et toutes les cloches des églises de la ville se mettent à sonner. Les sirènes annoncent, longuement, la fin d'alerte. Nous hésitons encore... Tante Julia nous persuade que nous sommes libérés. Ca a duré dix minutes.

Version du 14 novembre 2014 à 11:24

Témoignage

Extraits de mon journal par René Dethier

Mercredi 06 septembre 1944 :

Huy est libérée ! La 3ème Division blindée du général américain ROSE y est entrée à 17 heures.

Dès le matin, on entend à nouveau des détonations et des crépitements d'armes à feu plus proches, venant de la direction de Namur, officiellement libérée.

C'est la fièvre à Huy.

Les Allemands réquisitionnent, ou plutôt s'emparent de voitures et de vélos appartenant aux habitants. Dans certains quartiers, ils sont ivres et menaçants. Aucun incident grave n'est toutefois signalé.

La Kommandantur est toujours ouverte.

L'après-midi, je me trouve rue du Palis de Justice, chez tante JULIA (NDLR. Madame Urbain LAMALLE, sœur de mon père).

Nous sommes en train de goûter. Des avions traversent le ciel, à basse altitude. Subitement, des détonations proches éclatent, suivie de mitraillades et de coups de feu. Nous gagnons la cave. La pétarade s'intensifie. Se rapproche. Que penser ? Quel va être notre sort ? Tante Julia est convaincue que ce sont nos libérateurs. Oncle Urbain, André et moi doutons encore. Ne serait-ce pas l'Armée blanche qui investit la ville ? Des allemands, traqués, ne vont-ils pas surgir dans la maison ?

Le vacarme reprend de plus belle puis, subitement, c'est le silence...Un court moment d'angoisse et toutes les cloches des églises de la ville se mettent à sonner. Les sirènes annoncent, longuement, la fin d'alerte. Nous hésitons encore... Tante Julia nous persuade que nous sommes libérés. Ca a duré dix minutes.

Nous risquons le nez dehors. La première chose que nous apercevons dans la rue du Palais de Justice déserte c'est un drapeau national qui flotte à la façade de la prison. Plus de doute possible: Huy est libérée !

Rapidement la rue s'amine. On signale l'arrivée de tanks américains rue Rioul, rue des Crépalles, avenue Godin-Parnajon. J'en oublie mes hôtes et je me précipite à leur rencontre. les gens affluent de partout. Ovations. Cris de joie et d'admiration. On court dans tous les sens. Des gens pleurent. D'autres agitent des drapeaux.

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Imposants, les lourds chars se frayent lentement un passage dans la foule. Les Yankees, souriants et détendus, répondent aux applaudissements et aux vivats par des signes de la main. On leur jette des fleurs. On leur tend des boissons. Certains blindés s'immobilisent un instant. Les gens les prennent d'assaut pour embrasser les occupants.

Je suis fou, comme assommé. Je cours d'un côté à l'autre, ému, heureux, avide de savourer pleinement ce grand moment. Rue Rioul et des Augustins, il y a quelques traces de combat. Des façades sont endommagées.

La colonne des lourds engins continue à traverser la foule en délire et se dirige vers Liège qui devrait être libérée aujourd'hui encore.

Papa surgit. Il est excité et armé de son fusil de chasse qu'il a sorti de sa cachette et, sans tenir compte de mes appels à la pridence, il file en direction de la Maison Godin pour y capturer, dit-il, les Allemands qui pourraient encore s'y trouver.

Un char étoilé est parqué sous les arbres de la Promenade de l'Ile, en face de la Place Pierre l'Ermite, je me dirige vers lui. Ses occupants sont accueillants et souriants. Poignée de mains. Tapes amicales. Nous nous expliquons en petit nègre.Un échange de sympathie s'ébauche entre l'un des tankistes et moi. On nous apporte à boire. Nous trinquons. "Mon" Américain m'offre des cigarettes Chesterfield et des chewing-gum.

Le dentiste VERDCOURT, de la rue du Neufmoustier, prend des photos. Mon ami d'un moment me réclame à ses côtés. Nous faisons le V de la victoire avec les doigts tendus.

Nous échangeons nos adresses (NDLR. Challis S. Orcutt, 347, North Palmdrive, Beverly-Hills, California): caprice d'un jour inoubliable pour moi - et le char et ses "GI'S" s'en vont vers leur destin. Puisse-t'il ne pas être tragique pour ces braves gars venus de si loin et qui n'ont pas finis le combat !

La pluie se met à tomber. les rues sont maintenant complètement pavoisées. Les charrois militaires occupent toutes les artères.

Je rentre quelques instants chez moi puis je repars en ville, en quête de nouvelles émotions.

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La grand-place est noire de monde. De partout surgissent des Hutois, jeunes et vieux, armés de mitraillettes ou de fusils. Résistants en salopette grise. Policiers auxiliaires.

On amène, sous bonne escorte, des collaborateurs, des femmes qui ont fricoté avec l'ennemi, des militaires allemands hagards, penauds ou blessés. Pauvre type !. je ne suis pas assez cruel pour me réjouir de leur désarroi. Tout le monde n'est pas du même avis et ils se font injurier, houspiller. on leur crache à la figure. Triste !

A la nuit tombante, je rentre à la maison.

Pour nous, la guerre est terminée et c'est quelque chose qui n'est pas facile à réaliser.

Jeudi 7 septembre 1944 :

De plus en plus de drapeaux aux devantures des immeubles. Toujours beaucoup de monde dans les rues.

A l'hôtel de ville, on amène encore des inciviques, la plupart des minables. Aucune grosse légume de la collaboration. A 10 heures, les prisonniers du fort sont reçus par le bourgmestre Emile Vierset qui a repris son écharpe mayorale.

Des proclamations officielles sont affichées.

"La Gazette de Huy", chère au coeur des Hutois et qui s'était tue pendant quatre ans, reparaîtra samedi prochain.

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Après-midi, je retourne en ville et je m'attarde à regarder passer des Américains. c'est un défilé ininterrompu de chars, de camions, de véhicules de toutes sortes, dont la fameuse jeep. Les hommes qui les pilotent sont sympathiques mais un peu moins chaleureux que ceux de la veille. Deux choses me frappent: leurs dents blanches et leurs élégance plus sportive que militaire. On promène toujours, dans les rues du centre, des femmes qui ont fraternisé avec les Allemands et à qui on a rasé les cheveux. La vindicte populaire est sans pitié.

A 21 heures, couvre-feu imposé par l'armée américaine.

Vendredi 8 septembre 1944

Le calme revient progressivement aux premières heures de la journée puis l'agitation reprend de plus belle.

Chacun veut avoir son mot à dire dans toutes choses et c'est la pagaille.

Affiches socialistes, communistes, vengeresses? Les gens les plus inattendus apparaissent sous la tenue de résistant. On arrête des gens à tord ou à raisons ? On n'en sait rien et on s'en étonne. Les membres du Front de l'Indépendance et des Partisans armés sont particulièrement actifs.

Lundi 18 décembre 1944

La nouvelle, imprécise le matin, d'un recul des Américains au front de l'Ouest, se répand comme une traînée de poudre. Nos libérateurs seraient en difficulté du côté de Stavelot, de Malmédy, de Trois-Ponts. c'est à peine croyable.

Mardi 19 décembre 1944

La fièvre grandit. Les Américains reculeraient toujours sous la pousée de l'offensive de la Wermacht. On manque cruellement de précisions. En ville , la population est anxieuse. Des convois américains encombrent les routes, en tous sens. Souvent vides. Pas de chars, ni de troupes en direction du front.

Des réfugiés des cantons de l'Est arrivent en masse.On dit, à nouveau, que des hommes de la 5ème colonne se mêleraient à eux. Contrôles policiers en rue, à la gare, dans les hôtels. On voit des espions partout...

Nous recevons des instructions pour passer, de la rive droite (Depuis octobre 1944, je suis inspecteur à la SURETE DE L'ETAT) où sont installés nos bureaux, sur la rive gauche de la Meuse, dès demain. Soit au Commissariat d'arrondissement, soit à la maison communale de Wanze.

Qui aurait pu prévoir une telle situation, il y a huit jours seulement ?

Mercredi 20 Décembre 1944

Suite Demain....