De l'école industrielle de Huy à l'’IPEPS HUY-WAREMME... Regard sur 175 ans d'enseignement pour adultes

De Wikihuy
Révision de 5 novembre 2013 à 16:42 par Famel (discuter | contributions) (1815-1830 - LA PREHISTOIRE)

Aller à : navigation, rechercher

PREFACE

On ne peut comprendre l'importance de la formation des adultes, son intérêt social, culturel et économique pour le Bassin liégeois, si on ignore pourquoi, quand, comment et par qui elle a été mise en œuvre.

Hier Ecole communale, Institut provincial depuis 1963, notre établissement hutois d'enseignement de Promotion Sociale fête, cette année, cent septante-cinq ans d'existence.

Cet anniversaire, et je m'en réjouis, est l'occasion d'en retracer l'histoire; l'occasion de se souvenir de ses petits et de ses grands moments; de reparler de ses anciens élèves, parmi lesquels, nous nous devons de le citer, Zénobe Gramme.

Cet anniversaire, c'est aussi l'opportunité de souligner les belles initiatives de cette école dynamique : l'encouragement à l'épargne en 1876, la formation des jeunes chômeurs en 1931, l'enseignement modulaire en 1979 ou, plus récemment, le projet européen Insert de formation en milieu carcéral.

A travers son histoire, le présent ouvrage nous permet également de rendre hommage à celles et ceux, personnel éducatif, administratif ou technique qui ont contribué ou contribuent encore à la prospérité des élèves, de l'école et, partant, à celle de notre Province.

Le regard sur l'histoire que nous propose ici l'IPEPS Huy-Waremme met particulièrement bien en lumière cette action spécifique et déterminante qu'est la formation des adultes.

Ses effets sont indéniables et permettent, aujourd'hui comme par le passé, de bâtir l'avenir.

Le Député – Président du Collège provincial en charge de l’Enseignement et de la Formation

INTRODUCTION

Aujourd’hui, la formation des adultes n’est plus seulement une réponse aux déficits de travailleurs qualifiés, à l’instar de ceux qui ont présidé la naissance des écoles pour ouvriers.

Elle n’est plus, comme jadis les cours du soir, un bon moyen pour bénéficier d’une promotion dans l’entreprise.

Elle n’est pas simplement une façon de parachever ses connaissances et de les adapter aux progrès technologiques ou aux besoins socioculturels.

Elle n’est pas uniquement une seconde chance de reprendre les études que l’on n’a pas eu l’opportunité d’entamer, ou plus couramment de nos jours l’occasion de terminer.

Aujourd’hui, la formation des adultes, c’est tout cela à la fois.

La formation des adultes est devenue un élément constitutif inévitable du parcours professionnel ; un passage occasionnel, parfois contraint, souvent nécessaire, pour obtenir une insertion, un retour ou un maintien dans l’emploi.

Sans avoir la prétention d’apporter une réponse érudite à toutes préoccupations de nature historique, il nous a semblé important, pour marquer les 175 ans de notre Institut, d’évoquer succinctement les faits saillants, les petits et les grands moments de notre enseignement depuis sa préhistoire jusqu’à nos jours.

On prétend que les ressources d’une région influencent fortement la culture de ses habitants. L’histoire est certainement l’une des matières premières qui, à Huy, affleurent à chaque coin de rue. Nous osons donc espérer que ce regard sur l’histoire de notre école intéressera l’un ou l’autre passionné de « temps jadis ».

Il nous faut cependant ajouter que bien des éléments de la première partie de cet ouvrage sont dus à la plume d’Eugène Mossoux, Directeur des Ecoles communales, dans son excellent ouvrage « Un siècle d’enseignement communal » publié en 1903 via les « Annales du Cercle hutois des Sciences et Beaux-Arts – Tome XIV ».

Pour la deuxième partie, une autre source importante de documentation est issue des travaux de Monsieur Rosmant, Secrétaire communal de Huy qui, en 1938, a retracé, pour son centième anniversaire, les premières années de l’école.

Enfin, qu’il me soit permis ici de remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé directement ou indirectement à la rédaction du présent ouvrage : Mmes Renée Dautrebande, Anne Sunde et Martine Roelandt pour les conseils et les recherches. Mmes Marie-Josée Vrankenne, Anne Kestelyn et MM. Armand Ruisseau, Joseph Fiévez pour les lectures, suggestions et corrections M. François Amel pour le scannage des documents.

PREAMBULE

1774

Photo de l'impératrice Marie-Thérèse
Légende

La coutume veut que l’on commence l’histoire de l’école en 1829 ; « c’est en effet à cette date que s’ouvre au local Saint Germain une école du soir pour ouvriers dont, il faut l’avouer, on ne connaît pas grand-chose… » Il nous a cependant paru intéressant de faire précéder cette relation en citant une ordonnance de l’Impératrice Marie-Thérèse qui a pour objet de régler l’enseignement élémentaire dans tous les États de la maison d’Autriche. L’intitulé en est « Ordonnance générale pour les écoles » et le texte est daté du 6 septembre 177(v. annexe). Si nos provinces sont alors sous domination autrichienne, il n’en est pas de même pour ce qui est de la Principauté de Liège. Mais, l’existence de ce texte montre bien qu’en 1829 le souhait, la volonté, de promouvoir l’éducation en général, celle des adultes en particulier, ne sont pas nés ex-nihilo. Avant de poser un regard sur l’histoire de notre école, les grands titres du texte encadré ci-dessous permettent de planter le décor. On doit reconnaître aussi, si on prend en compte l’époque où cette ordonnance a vu le jour, que la législation est déjà aussi complète que possible. De nombreux points qui sont envisagés en 1774, font, de nos jours encore, le quotidien de notre enseignement : la division en degré, la professionnalisation des maîtres, les locaux réservés à leur destination spéciale, l’inspection, l’enseignement obligatoire, la liberté d’enseigner…

  • 1.Création d’une commission des écoles, dans chacun des États de la monarchie
  • 2.Des diverses catégories d’écoles et de leur siège
  • 3.Règles à suivre pour l’établissement des écoles
  • 4.Règles à suivre pour la construction des bâtiments d’école
  • 5.Matières de l’enseignement dans chacune des trois catégories d’écoles
  • 6.Par qui doivent être données les diverses branches d’enseignement
  • 7.Livre à employer
  • 8.De la manière d’enseigner
  • 9.Division des classes
  • 10.Des heures d’école
  • 11.Du temps à consacrer à chacune des matières
  • 12.Obligation pour les enfants de fréquenter l’école
  • 13.Obligation pour les parents et tuteurs d’envoyer les enfants aux écoles ; recommandations aux magistrats et supérieurs
  • 14.Le travail des orphelins ou tout autre besoin ne dispense pas de fréquenter l’école
  • 15.Des répétitions (écoles d’adultes)
  • 16.De la tenue du registre servant à annoter l’application et les progrès des élèves
  • 17.Des inspecteurs ordinaires chargés de s’assurer de l’état des écoles
  • 18.Nomination des inspecteurs généraux
  • 19.De la manière d’introduire la réforme dans les études
  • 20.Obligation, pour les postulants à des bénéfices à charge d’âmes ou pour les candidats à un état monastique, de connaître préalablement tout ce qui concerne les écoles
  • 21.Défense aux maîtres de tenir cabaret
  • 22.Des examens et des récompenses
  • 23.Rapports sur la situation des écoles
  • 24.Le zèle des inspecteurs et des maîtres pris pour base des promotions…
  • 25.Nous espérons également que chacun saura apprécier avec reconnaissance le soin maternel que nous avons mis à régler les principes de l’éducation et de l’instruction générale de la jeunesse.
  • 26.Nous ordonnons également à toutes les régences et à tous les gouvernements qui nous sont subordonnés, de faire exécuter dans les provinces et suivre ponctuellement les prescriptions de la présente ordonnance.
  • 27.Nous ordonnons également à tous les supérieurs ecclésiastiques et, en général, à tous les supérieurs civils, aux magistrats, aux seigneurs et à leurs employés, aux maîtres d’école et à tous nos fidèles sujets de se conformer au contenu de cette ordonnance, en tout ce qui les concerne.
  • 28.Fait dans notre capitale et résidence, ville de Vienne, le 6 septembre 1774.

Sous Marie-Thérèse, des efforts sont donc amorcés en Belgique pour relever l’enseignement de l'abaissement où l'a plongé la politique précédente. Les praticiens de l’enseignement conviendront que tout est dans cette ordonnance : la professionnalisation du secteur, le souci de l’usager, la formation des jeunes travailleurs, les examens, l’inspection … La rénovation des écoles proposée par Marie-Thérèse se fonde sur la création d'une école normale pour l'élaboration et la diffusion des méthodes et des outils, mais aussi et surtout pour la professionnalisation des enseignants. L’Ecolâtre Des Roches inaugure celle de Bruxelles, en 1787. Un plan complet d'organisation de l’enseignement primaire va être appliqué, lorsque la révolution brabançonne éclate et fait tomber le gouvernement de Joseph II. La Révolution restaure l'Ancien Régime.

1791

Au vu de la modernité du texte de 1774, nous pouvons supposer que cette ordonnance a eu une influence sur l’enseignement, sur les objectifs à poursuivre, les actions à mettre en œuvre, les institutions à mettre en place. Ne dit-on pas que Condorcet, lui-même, s’en est inspiré ? Condorcet, élu à l'Assemblée législative, en devient secrétaire avant d'être envoyé à la Convention comme député de l'Aisne. La période 1791-1792 est surtout marquée par son œuvre sur l'instruction publique (Cinq Mémoires sur l'instruction publique publiés en 1791 et le Rapport sur l'instruction publique publié en 1792). Pour la première fois, l'idée philosophique de l'institution scolaire est pensée dans sa complexité en rapport avec la souveraineté populaire : protéger les savoirs contre les pouvoirs, considérer l'excellence comme la forme la plus haute de l'égalité, voir en chaque enfant un sujet rationnel de droit, se garder d'assujettir l'instruction publique aux volontés particulières et à l'utilité immédiate, telles sont quelques-unes des thèses majeures proposées par Condorcet Ce faisant, il soutient qu'instruire n'est ni informer ni conformer et que c'est peut-être trop en faire que d'instaurer une « éducation nationale ». Nous extrayons d’un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi (Quebec), la table des matières de l’œuvre de Condorcet :

Premier Mémoire: Nature et objet de l'instruction publique I. La société doit au peuple une instruction publique II. La société doit également une instruction publique relative aux diverses professions III. La société doit encore l'instruction publique comme moyen de perfectionner l'espèce humaine IV. Motifs d'établir plus de degrés dans l'instruction commune V. L'éducation publique doit se borner à l'instruction VI. Il est nécessaire que les femmes partagent l'instruction donnée aux hommes Second Mémoire: De l'instruction commune pour les enfants I. Premier degré d'instruction commune II. Études de la première année III. Des maîtres Troisième Mémoire: Sur l'instruction commune pour les hommes Des livres nécessaires à cette instruction Quatrième Mémoire: Sur l'instruction relative aux professions Cinquième Mémoire: Sur l'instruction relative aux sciences

1792

Une section de cinq membres, Condorcet, Lacépède, Arbogast, Pastoret et Romme, est chargée d'élaborer un plan général d'instruction. Le 30 janvier 1792, Condorcet fait lecture au Comité, au nom de cette section, d'un projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique. Ce projet est discuté par le Comité jusqu'au 4 avril. Condorcet, désigné comme rapporteur dès le 5 mars, fait au Comité deux lectures successives de son rapport, le 9 et le 18 avril. Les 20 et 21 avril lecture du rapport et du projet de décret est faite à l'Assemblée, au nom du Comité, par Condorcet. Le projet de décret établit cinq degrés d'instruction : les écoles primaires ; les écoles secondaires (écoles primaires supérieures) ; les instituts (collèges) ; les lycées (facultés) ; et la Société nationale des sciences et des arts, chargée de la direction générale de l'enseignement. Outre les cinq mémoires, nous devons à Condorcet d’autres textes importants et d’un caractère tellement intemporel qu’ils semblent toujours adaptés à notre époque. On y retrouve l'urgence d’instaurer l'instruction publique pour donner une réalité de fait à l'égalité juridique et politique proclamée par la Révolution. Deux thèmes y sont soulignés : la République doit veiller à l'indépendance de l'instruction publique face à tout pouvoir même politique et, en réponse aux attaques de Marat, il souligne, comme les Cinq Mémoires, le rôle des savants dans la détermination des savoirs élémentaires à enseigner. Lorsque ces deux conditions ne sont pas respectées, l'instruction publique perd sa liberté et l'égalité des citoyens est un vain mot.

1802

Photo de la vallée du Hoyoux vers Marchin
Légende

A l’aube du 19e. siècle, une autre partie du décor dans lequel va évoluer notre établissement scolaire est évidemment la situation industrielle de la région hutoise. En voici un bref aperçu. La réunion de la Belgique à la France donne un nouvel essor à l’économie de notre région. De nouvelles fabriques industrielles sont créées. En 1802, M. Delloye établit les premiers laminoirs à tôles fines. Ils sont actionnés par l’intermédiaire de roues à eau. Ses tôles de fer blanc pour lesquelles il a remporté une médaille à l’Exposition de Paris sont répandues dans toute l’Europe. A Marchin, les forges de Marche, du Grand Poirier et de la Grosse Forge appartenant à Clément Delloye voisinent avec l’usine de la Veuve Bastin-Delloye fondée en 1784 comprenant un marteau pilon, un laminoir et une forge. Les établissements de Clément Delloye se constituent en Société Anonyme en 1837 sous le nom de « Fabrique de fer du Hoyoux » avant de devenir plus tard la société des Tôleries Delloye-Mathieu. En 1806, la ville de Huy compte sept établissements sidérurgiques : le laminoir à tôles de M. Dautrebande, le haut fourneau et la forge de M. Jaumenne, le laminoir à tôles de M. Delloye et le laminoir, la fonderie et le martinet de M. Bastin. D’autres laminoirs et de nombreuses forges sont également implantés dans la vallée du Hoyoux.

Au niveau de l’industrie minière, les huit premières exploitations pour la houille datent de 1829Il s’agit de : Ampsin, Antheit, Bas-Oha, Ben-Ahin, Couthuin, Gives, Huy et Wanze.

1830

En 1830, un exploitant extrait encore du fer aux Roches de Statte tandis que de Laminne et d’autres exploitent des mines de fer, de plomb, de calamine et d’alun sur les territoires d’Ampsin et d’Antheit. L’exploitation de mines d’alun gisantes sous la commune d’Ampsin forme le noyau des établissements de Laminne qui deviennent par la suite la Société Corphalie.

Si l’industrie papetière date du début du 17e. siècle, en 1830 elle est une des plus prospères. Rien que chez Godin, la production passe de 150 000 à 400 000 kg. En 1828, les six papeteries existantes produisent environ 650 000 kg et occupent pas moins de 200 ouvrières et ouvriers. Vers 1842, grâce à l’esprit d’initiative d’Alexis Godin qui introduit en Belgique les premières machines à papier dites « continues », la Si l’industrie papetière date du début du 17e. siècle, en 1830 elle est une des plus prospères. Rien que chez Godin, la production passe de 150 000 à 400 000 kg. En 1828, les six papeteries existantes produisent environ 650 000 kg et occupent pas moins de 200 ouvrières et ouvriers. Vers 1842, grâce à l’esprit d’initiative d’Alexis Godin qui introduit en Belgique les premières machines à papier dites « continues », la production passe de 412 000 kg en 1841 à 8 600 000 Kg en 1890. Les usines de M. Godin occupent alors environ 2000 personnes. Ces fabriques attirent également des ateliers de construction d’une certaine importance. Un ancien document renseigne la fabrication d’une machine à papier par les ateliers Thiry en 1873.

Au cours de la seconde moitié du 19e sont fondés à Huy l’atelier de construction Preud’homme (machines à vapeur) et l’atelier Springuel (automobiles). Après le papier et les tôles, c’est le travail du cuir qui assure la prospérité de la région. Pour les quatre tanneries, la production totale en 1811 est de 12 000 peaux. En 1830, cinq tanneries existent à Huy. D’autres industries font également la réputation de notre région : les distilleries, la fabrique de poudre à Lovegnée (Ben-Ahin), deux raffineries de sel, des savonneries, sept moulins à cailloux destinés à moudre les matières premières qui entrent dans la composition de la pâte pour les faïenceries et même un atelier de toiles peintes fondé par les frères Delloye vers 1793.

1815-1830 - LA PREHISTOIRE

Annexée à la France, soumise à la constitution de l’An III de la république, la Belgique reconnaît le double principe d’un enseignement libre et d’un enseignement public. En dehors de la loi du 3 brumaire de l’An IV qui exige une école primaire par canton, on peut dire qu’en 1815, l’enseignement en France n’est malheureusement encore nulle part. Comme le précise Eugène Mossoux dans les Annales du Cercle hutois des Sciences & Beaux-Arts :

« Avant 1815, nous n’avons plus, en Belgique, ni maison d’école, ni méthodes d’enseignement, ni autorités préposées à la surveillance de l’instruction primaire. Partout, règnent l’ignorance et l’abrutissement des masses, par suite de l’insouciance du Gouvernement et des autorités pour ce qui concerne l’éducation populaire. En un mot, c’est le Néant !..., néant dont nous ne sommes sortis qu’à partir de notre réunion à la Hollande, grâce à la législation néerlandaise du 3 avril 1806, qui avait régénéré les institutions scolaires dans le pays nouveau dont nous allions partager les destinées ».

Pour preuve, Eugène Mossoux cite la réponse du Maire de Huy au Préfet de Liège, le 13 août 1812, la nomenclature des pensionnats de jeunes demoiselles existant à Huy à cette date, avec le nom de la pension et le nombre de pensionnaires :

  • A)Nombre des pensionnats : un
  • B)Nombre des maîtresses : une (Mme Xavier Louise).
  • C)Prix de la pension : 370 frs.

Nombre des Delles pensionnaires : une (Melle Dethier de Liège).