Bombardement à Huy (1940-1945)

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Témoignages

"Extraits de mon journal" par René Dethier

Vendredi 18 août 1994

Probablement la journée la plus dramatique de ma vie...

Après mon travail au Commissariat d'Arrondissement, vers 17h., je gagne le "bassin de natation", rue Neuve Voie, comme chaque jour.
Il fait très chaud et il y a beaucoup de monde. On y est habitué et on ne s'en soucie pas outre mesure.
Le bain de 17 h. finissant, il faut faire place au suivants. Je me rhabille tranquillement. Seuls, des militaires allemands, hommes et femmes, échappent au règlement et restent allongés au soleil, tout au bout du "bassin".

Des avions vrombissent au dessus de la ville quand je quitte l'établissement. Je me trouve sur la passerelle qui sépare celui-çi de la berge. Brusquement, un bruit indéfinissable venant du ciel retentit. Je lève les yeux: des bombes dégringolent sur nous. Je me jette à plat vendre dans le fossé de la berge tout en me protégeant la figure de mon essuie de bain et de mon maillot...C'est comme si la terre tremblait. Sifflements, éclats, pierres, poussières, mitraille, gerbes d'eau jaillissant de la Meuse... C'est l'Apocalypse !

Je suis atteint un peu partout par des éclats et je saigne abondamment, sans ressentir de douleur particulière.
Alors que nous étions nombreux sur la passerelle, quelques secondes auparavant, je me trouve seul. Tout le monde a disparu. Désemparé, je ne réalise pas ce qui arrive...

Instintivement, je grimpe hors du talut, je traverse à toutes jambes la rue Neuve Voie et je me réfugie au rez-de-chaussée des papeteries LEONET, juste en face du "bassin".

Ce n'est que du plâtras et décombres et poussières. Tout est sens dessus dessous. J'aperçois, assise à terre, Denise BODEAU, qui a une partie de la jambe arrachée. En dessous du genou, ce n'est plus qu'une masse de chair informe, sèche, dont pas une goutte de sang ne s'échappe.

La pauvre fille m’implore de la placer dans un fauteuil, ce que je fait tant bien que mal.

Nouvelle vague d'avions, suivie du bruit des bombes qui touchent le sol, mais ce n'est pas pour nous...Provisoirement, peut-être ? Blottis sous un escalier, nous prions...Quand le calme semble enfin revenu, les secours s'organisent vite. Je quitte les lieux sinistrés en compagnie de Denise DEWAELE et de Clary X...

Le "Pont de fer" objectif des bombardiers est intact.

Quel désolation partout !

Je reçois des premiers soins des religieuses de l'hospice d'Oultrement, au pied de la collégiale. De là, je me dirige vers l'h^tel de Ville - pourquoi ? - où l'on m'invite à me rendre à la clinique des Crépalles.

Il y a beaucoup de tués et de blessés en ville, dit-on.

Bêtement, je me tracasse pour mon vélo abandonné sur la berge, près de l'école de natation.

Je gagne à pied la rue des Crépalles. Chemin faisant, je rencontre mon père, affolé, qui s'en allait à ma recherche. On lui a dit que j'étais vivant mais que j'avais un œil arraché...

Avec lui à la clinique des Crépalles, où les sœurs se Saint Joseph m'accueillent. D'autres blessés y arrivent en même temps que moi.

Bientôt le dentiste DUMONT s'amène et me prodigue d'autres soins.

Il me rase une plaque de cheveux et m'applique des point de sutures. Une piqûre dans le bras pour me "remonter". Une autre, dans le ventre, contre le tétanos.

Je suis "sonné" et je réalise mail que j'ai de la chance d'être vivant.

Un va-et-vient continuel mais discret dans les couloirs