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Aguilar-Figols (Famille)

Préface

C'ette histoire est celle d'une famille espagnole émigrée en Belgique.

Pilar la fille cadette, aujourd'hui 87 ans en 2022 nous la raconte. Sa mémoire est d'une étonnante précision... nous l'avons écoutée avec beaucoup d'émotion.

1935, l'Espagne est politiquement à la dérive, en proie à des manifestations meurtrières entre la gauche et la droite. Entre juillet 1936 et mars 1939, rien que pour la France, la plus sollicitée,on estime le nombre des immigrés à plus de 465.000, sans compter l'Italie, la Belgique, l'Algérie... La famille dont nous allons vous raconter l'histoire est au cœur de la tourmente.

Le contexte

En 1931, la IIe République est proclamée, ce qui porte les républicains au pouvoir après un épisode dictatorial. Ce changement ne résout pas tous les problèmes et les tensions vont en s'amplifiant.

En 1934 : la tension est à son comble avec le soulèvement des mineurs des Asturies, une province espagnole. Ce mouvement est réprimé dans le sang par le gouvernement et on dénombre plus de 1.000 tués. Dès lors, les partisans de la droite et de la gauche se déchirent.

Le Front Populaire remporte les élections de 1936, mais la situation est explosive. Le 17 juillet, le général Francisco Franco est à la tête d'une insurrection militaire et tente de prendre le pouvoir. Le gouvernement républicain résiste, mais la guerre est désormais totale entre nationalistes et républicains. Elle durera trois ans et fera environ 400.000 morts jusqu'à la victoire, en 1939, des nationalistes menés par Franco.

Cette guerre civile tire ses origines d'un profond malaise au sein de la société espagnole. Durant plusieurs décennies, les conflits sociaux, économiques et politiques sapaient peu à peu le pouvoir du gouvernement.

Le dictateur restera au pouvoir 36 ans, jusqu'à sa mort en 1975, Juan Carlos Ier devient officiellement roi d’Espagne. Ce n'est qu'à partir de ce moment que le pays connaîtra une transition démocratique.

L'odyssée_La famille

La famille Laurent AGUILAR-Carmen FIGOLS, réside dans le nord est de l'Espagne, en pays d'Aragon à l'ouest de la Catalogne à La Fresneda, dans la province de Téruel. La Fresnada se situe à environ 200km de la mer Méditerranée à l'est et environ à la même distance des Pyrénées, la frontière avec la France au nord.
Ils ont deux fils, Raymond et José et deux filles, Esméralda et Pilar.

Dès 1935, l'Aragon en grande majorité républicaine comme sa voisine la Catalogne, souffre sous la pression et les violentes représailles des nationalistes de Franco. Les deux frères de Laurent sont arrêtés, l'un sera emprisonné pendant sept ans l'autre huit, Laurent est obligé de fuir vers la France pour ne pas subir le même sort.
Auparavant, Carmen et Laurent ont confié les trois plus âgés de leurs enfants à une colonie de vacances établie dans dans une villa de maître en périphérie de Barcelone. Pour subsister, Carmen, qui a gardé auprès d'elle Pilar, sa plus jeune fille, y a trouvé une place de concierge.

Laurent rejoint un cousin coiffeur à Nice, ce dernier a besoin d'une personne de confiance compétente pour gérer une fermette qu'il a achetée à Brial_Bressols entre Toulouse et Montauban. Cela convient tout particulièrement à notre homme, il pratique l'élevage et le maraîchage, partage les bénéfices.

Les contacts entre les époux sont difficiles, ils communiquent par courrier et cela prend du temps.

La situation dans la région et partout en Espagne s'aggrave, Barcelone subit de fréquents bombardements. Les enfants de la colonie, ils sont nombreux, ne sont plus en sécurité. Aussi sont-ils évacués par leurs protecteurs, par camions à travers la France, ils passeront par Paris et arriveront finalement à Nandrin en Belgique. Ils seront répartis dans la région dans des familles d'accueil. Parmi eux, José sera confié à une famille de Poulseur, Raymond viendra à Ouffet au Doyard chez Marie Villers et Esméralda à Oneux Comblain. Tout cela, Carmen ne l'apprendra que neuf mois plus tard à la réception d'une lettre envoyée par une des familles d'accueil avec cette photo prise à l'occasion d'une réunion des enfants le weekend ou lors des vacances au Doyard chez Marie Villers.

Voila neuf ans que la famille s'est dispersée, comment la réunir ?

Laurent ne peut rentrer en Espagne, trop dangereux, il est recherché par la police. Carmen, qui réside toujours à Barcelone avec Pilar, souhaite que les enfants la rejoignent. Laurent se montre réticent, il faut qu'elle travaille, comment va-t-elle pouvoir les élever, subvenir à leurs besoins ? En homme réfléchi, il la persuade d'attendre la réouverture des frontières, mais celle-ci se fait attendre, cela fait maintenant neuf ans que dure la séparation. Il est donc décidé que Carmen viendra en France. En attendant, Laurent, qui ne sait ni lire ni écrire, se rend en Belgique, à Ouffet, s'assurer du bien-être des enfants et évaluer les possibilités de s'installer.

La visite de Laurent s'étant avérée positive, il décide de faire appel à un passeur pour faire venir son épouse, le projet est mis sur pied. Le guide se fait largement payé, il faut dire qu'il risque sa vie s'il est pris, il est alors exécuté sur place sans autre forme de procès et les candidats à l'émigration conduits en prison.

En octobre 1946, le 12 à la saint Pilar, Pilar et sa maman se rendent à Seu Durgell, à cette époque dernier village espagnol au pied des Pyrénées, ils s'installent à l'hôtel en attendant leur contact. Celui-ci se présente sous la forme d'un chauffeur de camionnette chargé de la récolte du lait dans les petites fermes disséminées au pied de la montagne. Ils parviendront au plus près de la frontière française, la maman cachée entre les cruches et la petite sur la banquette à côté du chauffeur et à qui on a bien recommandé de dire qu'elle accompagne son oncle dans sa tournée au cas où ils feraient l'objet d'un contrôle, ce qui s'est présenté par deux fois. Très tôt le matin, ils arrivent dans une petite ferme, les exploitants leur offrent le petit déjeuner et un grand bol de lait crémeux, Pilar s'en souvient comme si c'était hier.

Un second passeur se charge de leur faire passer la frontière et de les amener à Andorre où le papa les attend dans une auberge. Il arrive presque aussitôt et les voilà en route par des sentiers rocailleux pour une randonnée en montagne qui n'aura rien de touristique. Ils marcheront toute la journée jusque bien tard dans la soirée avant d'atteindre une cabane de berger où ils vont pouvoir s'étendre à même la paille et dormir, sans même penser à manger. Le lendemain, réveil à cinq heures, courbaturés, les pieds gonflés, une petite toilette dans le ruisseau tout proche, un frugal repas et l'interminable marche reprend jusqu'à l'arrivée sur la route qui mène à Andorre. Là, Carmen, les pieds gonflés, bleuis, est incapable de continuer, elle perdra tous les ongles des pieds. Un premier camion passe puis un deuxième qui s'arrête et les emmène, rien n'a changé ! Carmen avec les moutons dans la benne et Pilar sur la banquette aux côtés du chauffeur.

Arrivés à l'auberge où les attend Laurent, c'est l'euphorie. Père et fille auraient été incapables de se reconnaître s'ils s'étaient croisés dans la rue.

Ils rentrent tous les trois à Brial Bressols où ils vont encore rester un an jour pour jour car, hasard du calendrier, c'est encore un 12 octobre qu'ils se mettent en route pour Ouffet.


La suite est en préparation